Raisonnement sans faille

Tapi(e) au voisinage de la terre, la créature guettait depuis des mois.

Il(ou elle)attendait patiemment l'instant où il(ou elle)serait prêt.

Analysant minutieusement la moindre émission radio ou télévision pour connaître leur langue, leurs us et coutumes, scrutant la surface de cette planète ignorée des siens, excepté d'il (ou elle) Par ce long apprentissage, il (cela?) savait tout maintenant sur la Terre.

Enfin, tout ce qui pouvait s'apprendre à quelques milliers de kilomètres de son sol.

Oui, le moment était venu, prolonger sa préparation n'apporterait rien d'autre.

 

Maniant les instruments délicats de son habitacle, il (cela?) le dirigea vers la cité où il (ou elle) avait décidé de s'infiltrer.

Les indigènes la nommaient Paris.

Curieusement, il (ou elle) appréhendait d'exécuter son plan.

 

Ces humains présentaient tant de caractères déroutants. Ils se révélaient profondément différenciés les uns des autres.

Pour avoir des chances de réussir dans sa mission préparatrice, il ou elle ou peut-être cela devait s'identifier aux indigènes.

Or les terriens étaient (ils le sont peut-être encore s'ils ont: survécu) bisexués.

Quel genre choisir? Problème grave pour un extraterrestre chez qui cette dualité n'existait pas (fort heureusement pour lui/elle ?).

Il se décida en fonction des exigences de sa mission, préparer une invasion future, en manipulant les terriens de l'intérieur.

 

Il faisait nuit. Sa silhouette encore imprécise se fondait avec les ombres de la vieille ville, mais c’était bien pour masquer sa transformation.

Un chef-d’œuvre de la nature(même s'il était raté) ne se copiait pas en peu de temps.

 

Cette opération demandait sans conteste une énorme effort de concentration.

En hâte, elle avait rassemblé ses atomes tous neufs pour leurs donner un simulacre d'apparence humaine.

Très vite, elle avait retouché sa copie au gré des passants qu'elle croisait, jusqu’à arriver à un résultat qui lui paru satisfaisant.

Pourtant, un humain l'apercevant révélée par la clarté d’un bec de gaz, se figea brusquement, la surprise se lisant sur son visage. Il poussa un petit cri avant de s'éloigner vivement.

Elle se passa en revue, cherchant la faute morphologique responsable de cette fuite. Pourtant, tout semblait correct, il y avait bien quatre membres, un nez, une bouche, deux yeux à leurs places.

Elle eut un instant d'affolement quand elle crût avoir oublié le cinquième doigt de sa main droite, mais elle le retrouva caché sous les quatre autres.

Oh, il y avait bien un petit détail mineur, mais ce ne pouvait être ça. Par cette température, il n'y avait aucune nécessité pour un humain de se couvrir, et pourtant Il semblait que sa nudité eût choqué  l'inconnu. Assez profondément si elle en jugeait par les réactions émotives de l'animal humanoïde.

Elle n'aurait jamais pensé qu'une telle futilité ait pu être d’une telle importance jusqu'à s'imposer comme condition à tout camouflage.

Elle se concentra rapidement pour créer une quelconque toge en attendant mieux.

Mais l'humain en fuite constituait un danger. Il fallait le rattraper de toute urgence ce qu’elle pu réaliser sans peine, étant beaucoup forte que ces fragiles créatures.

Par chance, ce n'était qu'une femelle, le plus faible des deux genres.

Elle en décela facilement le point faible, le cou. Sans passion, mais efficacement, elle le serra. Elle ne remarqua même pas les efforts de sa victime pour échapper à son étreinte.

Maîtrisant ses molécules, elle n'avait eut qu'à rendre ses mains aussi dures que le fer. Une minute lui suffit pour éteindre cette ridicule étincelle de vie.

Après une courte réflexion, elle décida de lui voler ses vêtements, ce serait toujours ça de moins à imiter. Voilà, l'incident était clos, mais elle devrait à l'avenir se montrer beaucoup plus prudente.

Les humains n'adoptaient pas nécessairement les solutions les plus faciles, les plus raisonnables ou les plus efficaces, songea-t-elle en conclusion. Il est vrai que ce n’était que des barbares. Elle jugea plus sage de se familiariser un peu avec ces barbares avant de poursuivre sa mission d'avant-garde.

Il ne fallait pas s'éterniser sur les lieux de sa bavure. Les ombres de la nuit commençaient à s'estomper devant les premières lueurs de l'aube naissante. Bientôt l'insipide petit soleil jaune brillerait de milles feux dans un ciel sans nuage (ce serait une belle journée), les terriens devaient le trouver admirable. Elle, pour sa part ne connaissait rien de plus monotone que le spectacle dans un système simple.

Elle évoqua avec nostalgie le ballet féerique des trois soleils dans le ciel de sa planète originelle.

Le géant majestueux Okon régnant de son doux bleu. Le nain Raâ, plus petit mais si puissant qu'il contestait de ses rayons d'un rouge sanglant l'autorité de son voisin gigantesque.  Et le pauvre Saga, qui entre deux batailles des deux princes venait reposer les yeux des polymorphes de sa faible clarté chatoyante verte.

 

Elle s'ébroua mentalement pour se libérer de ces visions lointaines.

Longtemps elle marcha au hasard. Peu à peu les rues étroites comme les grands boulevards(grands, peuhl Quelle- dérision! Ils n'étaient même pas assez larges pour y faire atterrir un astronef commercial moyen) s'emplissaient d'une foule de gens pressés.

Des piétons et des voitures. Elle analysa le flots des véhicules et trouva que son écoulement répondait à des lois en tout semblable à celui des robinets.

Et les questions sans réponses se pressaient en l'extraterrestre. La plupart des humains se déplaçaient à l'intérieur de boites montées sur quatre roues, nommées voitures. Elle analysa les vitesses atteintes, entre 150 et 200 kilomètres heure. C’était peu mais encore excessif par rapport aux limitations de vitesses, de 50 à 130 kilomètres heure.

Et pourquoi les employer à l'intérieur des villes où elles avançaient à la vitesse d’un escargot.  Pourquoi ces véhicules recelaient invariablement plus de quatre places, puisque le conducteur était le plus souvent seul.

Par curiosité, elle analysa un moment les règle de conduite des indigènes. En premier lieu les feux. Pour tenter d'endiguer l'anarchie totale, des sages (ou de fous)avaient prévu des feux disposés un peu au hasard aux croisements.

 

Au rouge, ils semblaient réduits à l'immobilité par une invisible force ou peut-être un conditionnement. Ils tripotaient nerveusement la commande d'accélération tout en serrant comme à regret celui de freinage. (Idiot, n'est-ce pas ?).Le signal lumineux passant au vert, comme libérés, ils fonçaient au maximum de leurs possibilités, pour être stoppés invariablement au feu suivant cent mètre plus loin. Et quand il n'y a aucun signal me direz-vous ?

La était le plus passionnant. Notre extraterrestre eut la chance d'observer un tel spectacle, deux rues orthogonales, deux véhicules aux vitesses comparables, sensiblement à égales distances du croisement, deux conducteurs égaIements décidés à passer les premiers, l'un à la droite de l'autre.

Le polymorphe, heu appelons-la poly pu constater les réactions rigoureusement semblables des deux humains, mâchoires serrées, visages déformés par un rictus (sourire?).

Tout deux accélérèrent comme pour persuader l'autre de la force de sa détermination, dès qu'ils s’étaient vus. Une micro seconde avant le choc, l'un d'eux avait craqué et freiné au dernier moment. La collision avait été évitée. Il s'arrêta un peu plus loin. Il s’épongea avec rage en lançant quelques injures au vainqueur.

Poly s’approcha du vaincu et lui rappela aimablement :

- Vous ne devriez pas traîner, vous sembliez pressé.

L’autre répliqua méfiant :

-         Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

-         Je ne sais pas, je pensais que seul une question de vie et de mort pouvait faire prendre de tels risques.

Poly était très fière de cette expression empruntée aux feuilletons télé. (très éducatives, ces émissions)

- Qu'est-ce que vous racontez, je me promenais, tout simplement. (pas si éducatives, après tout). Puis il se radoucit en voyant à qui il avait à faire.

Elle en conclue que la conduite était pour l'humain une sorte de jeu ou de sport des plus périlleux. Une autre conclusion, plus en rapport avec sa mission la rassura.

Malgré sa bévue, l'humain(mammifère n'aurait-il pas été plus exacte, ou ces deux termes étaient-ils synonymes) l'avait invité à monter dans sa voiture, et ce, sur simple examen visuel de son physique.

Apparemment sa couverture était bonne, elle rendait les humains mâles coopératifs.

Elle décida de pousser plus loin son exploration sur ces terriens qui se révélaient décidément déroutants.

Elle remarqua plusieurs groupes d'indigènes disparaissant dans un gouffre sombre. C’était encore une sorte de transport, le métro. Elle décida d'en faire l'expérience.

La ville(Paris) était truffée de ces petites stations. Celle-ci portait le nom de porte Clignancourt.

 

Etrange cette manie à donner un nom en guise d’identification à n'importe quoi, les nombres étaient tellement plus pratiques.

Elle descendit avec d'autres terriens, mais s'en écarta prudemment pour réfléchir une fois parvenue dans la salle souterraine.

Apparemment tous les terriens ici présents suivaient la même procédure, pas de danger, donc il suffisait  d'imiter soigneusement les autres.

Sûre d'elle, elle alla prendre place à la queue. Elle parvint enfin devant le guichet vitré et comme l'homme devant elle, elle dit simplement:

-Un ticket.

L'employée en uniforme, une femelle ne sourcilla pas mais demanda d'un ton peu affable:

-Un euro.

L'être polymorphe en fut stupéfait, non qu'elle ignora la notion d'argent, système guère plus évolué que le troc, mais les héros des séries télé en faisaient rarement allusion.

Luttant contre la panique l'inconnue chercha désespérément dans ses souvenirs.

-Mettez ça sur mon compte, finit-eIle par répliquer, très satisfaite de cette réponse toute droite sortie d'un feuilleton, mais son soulagement fut de très courte durée.

-Non mais vous vous foutez de moi? Dégagez si vous n'avez pas d’argent.

Puis elle lui dit encore un mot qu'elle ne comprit pas, quelque chose comme:

putain, va.

Elle n'eut pas le temps de répondre, elle fut éjectée de la file, cette pile d'individus barbares pressés de donner leur euro.

Elle réfléchit rapidement.

Si le genre masculin se montrait coopératif, elle devrait se méfier du genre féminin qui semblait au contraire la trouver très antipathique.

Cet incident ne posait pas de problème, mais elle devrait à l'avenir se méfier de son éducation TV. Restait à trouver de l'argent.

Facile pour une entité non limitée par les faibles capacités humaines.

Sa vitesse et son agilité eut stupéfié un pickpocket, Sans même s'en rendre compte, un honorable citoyen au costume gris si chic fut délesté de son portefeuille. De toutes façons, il n'en avait plus besoin puisque sortant du métro, il n'avait pas de ticket à acheter, lui.

Satisfaite, elle alla se replacer dans la queue. L'employée lui jeta bien un regard soupçonneux, mais elle ne dit rien: Elle avait l’euro exigé. La jeune femme, trop belle et  habillée trop court pour être honnête devenait cliente, respectée par la R.A.T.P pour la modique somme d’un euro! Poly n'eut pas le temps de savourer son triomphe,  d'autres euros s'impatientaient et la bousculaient. Le reste se déroula à une allure effrayante comme dans un cauchemar.

Sans pouvoir s’opposer au flot des vermines humaines, elle fut littéralement emportée à travers les couloirs, les escaliers jusqu’au quai souterrain.

Elle n’eut pas dix secondes de répit, déjà un engin à roues guidées par des rails débouchait dans la station. Horreur ! Le train était déjà plein !

Et cependant, sans même savoir comment, elle se retrouva coincée dans un wagon entre un vieux monsieur plein de tics et une mère de famille soucieuse de ne pas perdre sa progéniture.

Le métro démarra, elle subit un écrasement plus terrible que les dix g ressentis souvent dans son engin spatial. Et elle n’avait même pas eut le temps de modifier ses molécules, il lui aurait fallut de la concentration et du temps, or comment réaliser ces impératifs dans le maelström de ce troupeau humain. Peu à peu cependant, elle s’habitua et parvint même à penser. Mais penser à quoi ? A l’argent bien sûr, c’était une spécialité terrienne. Or le portefeuille était beaucoup moins habillé que son propriétaire.

Sa petite réserve ne durerait pas longtemps dans un monde ou tout est payant.

De plus elle ne pouvait végéter dans les bases classes. Pour ses deux missions, l’information comme la création de guerres fratricides, elle devait frayer parmi les hautes sphères terriennes.

Pour cela, il lui fallait une grosse fortune. Mais comment se la procurer sans attirer l’attention ?

Elle entendit quelque part le mot argent.

Ce n’était pas extraordinaire, elle savait maintenant par expérience que ce mot revenait souvent dans la conversation des indigènes.

Pourtant, cette fois-ci, par intuition, elle tendit l’oreille. Cette expression prenait en ce cas précis un sens tout particulier.

Elle accrut son acuité auditive en contrôlant son oreille.

Et parmi les dizaines de conversations mêlées inextricablement pour le simple terrien, elle réussit à en isoler une, et comme si elle manipulait un vulgaire magnétophone, elle augmenta le volume sonore.

Deux hommes d’affaire (curieux nom pour des escrocs officiels) se passaient des tuyaux sérieux.

-         Si tu veux vendre quelques diamants discrètement, à condition qu’ils ne soient pas volés bien sûr, je connais une bonne adresse, rue de Rome.

-         Le type est honnête, il t’en donnera un bon prix et gardera le silence. Personne n’en saura rien

-         Merci du conseil, tu es chic d’avoir accepté de me rencontrer ici, je te revaudrai ça.

-         Mais pourquoi tiens-tu à tant de discrétion ?

-         Hum, ma femme me soupçonne d’entretenir une maîtresse, aussi elle surveille de près ma comptabilité ces temps-ci, et elle a gardé beaucoup de relations. Je dois me méfier.

-  Je t'approuve, en cas de divorce c'est elle qui…

Le diamantaire, voilà quelqu’un qui devait avoir beaucoup d’argent.

L'extraterrestre attendit patiemment que les deux compères eurent précisé l'adresse puis elle coupa l'écoute.

Le petit bureau serait une proie facile.. Elle descendit à la station suivante.

Elle chercha sur la carte murale de Paris La rue de Rome. Ce qui était facile pour son cerveau.

Il lui suffirait de changer à Barbès, en dix minutes elle serait à pied d'œuvres.

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Jack n'était pas un très bon journaliste.

Dans le sens qu'il ne suivait jamais les ordres de son rédacteur en chef, et qu'il lui arrivait de ne rien donner de potable durant des mois.

Oui, vous me direz, de tels journalistes n'existent pas dans la réalité ou alors ils travaillent à la pige. Mais celui-là possédait deux talents pour lesquels le patron passait toujours l'éponge. Premièrement, les gens lisaient ses articles, même dans la rubrique des chiens écrasés.

Et puis, il lui arrivait de soulever des affaires du tonnerre, de celles qui vous double le tirage pendant plusieurs semaines.

Des scandales certes, mais quel autre sujet en serait capable.

C'est là que son style caustique et cynique s’appliquait à fond, il étalait soudain dans ses articles des preuves dont les origines restaient inconnues. Bien rare si ses enquêtes ne se terminaient pas par un procès.

Jack, justement était sur une affaire de vol et d'écoulement de pierres précieuses.

Or, il lui fallait des tuyaux sur la question.

Le secret de Jack résidait en ses multiples connaissances, pas toujours recommandées. Justement, il connaissait un obscur négociant quelque part dans Paris, qui ne lui refuserait certainement pas de lui prodiguer une fois de plus ses conseils.

 

Il était encore tôt, et il préféra y aller à pieds cela lui permettrait de réfléchir. Du centre de Paris, cela représentait un bon parcours, mais rien d'effrayant même pour un marcheur moyen.

 

-Salut Corinne! Ton patron est là?             :

Il passa en coup de vent devant la jeune secrétaire qui lui avait ouvert la porte sans même s'arrêter, traversa l'antichambre et tenta d'ouvrir la porte du sacro-saint bureau sans même attendre la réponse. Audace vaine, elle resta close.

-Non, il n'est pas là, mais je vois que vous faites toujours aussi peu cas de ma présence en ces lieux, que lui voulez-vous? Cela fait cinq ans que je suis avec lui et vous avez toujours agi comme si je ne servais à rien. Quelle est ma fonction, à votre avis, Jack?

Jack parût totalement déconcerté. Il la regarda soudain comme un objet pas à sa place exacte, avec l'air d'évaluer une marchandise.

-Mon dieu, dit-il enfin, je pense que voyons, avec votre minijupe bleue, couleur de la moquette, et votre sous-pull orange s'apparentant au mobilier, Heu vous faites partie sans doute du décors. Je me trompe?

Corinne prit le parti d'en sourire.

-Hum, je comprends désormais pourquoi on vous appelle l'Américain, avec votre matérialisme

-Vous savez bien que mon surnom a pour unique origine mon prénom. Ou est donc passé Roger?

-Il est encore trop tôt, il n'est que sept heures et demie, il n'arrivera pas avant une heure minimum, quoique, j'y pense tout à coup, nous sommes mardi.

-Et alors?

-Revenez cette après-midi, il n'est jamais là le mardi matin

-Zut! J'avais besoin de renseignements, enfin, puisque cela fait cinq ans que je vous vois entre les deux plantes vertes de votre bureau, vous pourrez peut-être me donner de quoi commencer.

-Si je puis vous être utile.

-Voilà, j'enquête à propos de cette immense entreprise de recel international en pierres précieuses appelée la FPP par les initiés. Sa réputation est bien établie, et elle fait toujours savoir les pièces rares en sa possession. But de Publicité? Peut-être, en tous cas, ils paraissent inattaquables. Pourtant, j'ai ma petite idée. Je les soupçonne de vendre plus qu'ils n'ont volé, abusant des collectionneurs "privés". Possédez-Vous quelques tuyaux sur la question?

-Oh, vous savez, nous ne nous occupons que d'affaires strictement honnêtes!

-Ouais, j'en étais sûr, heureusement votre patron en saura certainement plus que votre tête vide.

 

 

-Jack, puis-je vous poser une question qui me brûle les lèvres depuis que je vous vois apparaître irrégulièrement en "coup de vent" dans ce bureau?

Le journaliste opina simplement de la tête.

-Qu’avez-vous contre les femmes?

Le fier célibataire réfléchit longuement avant de réponde à cette question:

-Je n'ai rien contre elles. J'ai renoncé depuis longtemps à comprendre l'esprit féminin. Ce dont je suis par contre sûr, c'est qu'il est dangereux et imprévisible. Aussi, il est préférable pour tout homme qui tient à sa liberté, sa tranquillité de les éviter soigneusement.

-hum! Pourtant, il me semble que vous avez la réputation de côtoyer un certain type de femmes

-Ca, c'est autre chose. Il est certain que les femmes (c'est l'angle bestial du problème) sont nécessaires à l'homme comme l'alcool ou la toilette.

Aussi, tous les samedis, je m'offre la tournée des bars de pigalle, et là, (heu,je suis désolé pour vos chastes oreilles, mais c'est vous qui l'avez voulu),j'embarque une fille. J'avoue que le reste de la soirée n’est plus très clair dans mon esprit, et que je me réveille invariablement avec une gueule de bois.

Maintenant vous connaissez les traditions de ma vie.

-Mais qu'est-ce qui vous empêche de me considérer moi aussi sous l'angle bestial de temps en temps, demanda-t-elle avec un sourire dangereux.

- Oh, vous, je vous vois venir, pas question! Si Roger vous garde comme assistante, c'est que vous  êtes intelligente.

-Et alors, quel rapport?

- Je ne veux pas de femme intelligente, ça n’apporte que des problèmes.

- Oh! Ne vous inquiétez pas, je me demandais simplement si cela vous rendrait plus aimable.

Soudain détendu, il sortit avec un grand éclat de rire.

 

Le métro était juste au croisement avec la rue des batignoles(pardon, le boulevard). La rue de Rome descendait en forte pente vers la gare saint Lazare. Parallèlement, des dizaines de voies  de chemins de fer s'entremêlaient pour pénétrer sous la gare que l'on apercevait plus loin. Elle jugea celle-ci très laide, le noir de suie recouvrant tout. Avec ses grands immeubles démodés la bordant, on aurait pu prendre la chaussée pour un petit ruisseau s'écoulant au fond d'un grand canyon.

Elle s'arrêta devant le porche typique de celui qui l'intéressait. Une série de plaques vitrifiées aux lettres de bronze énuméraient les copropriétaires.

 

L'une d'elle attira son attention: LAFFERTE Roger négociant en pierres précieuses. 3ème. porte.a gauche.

 

 

Elle n'eut pas à sonner, un humain sortait, il lui tint galamment la porte pour l'empêcher de se refermer.

Elle le remercia d'un sourire sans âme. L'escalier était large mais en mauvais état, le bois semblait près à céder, mais elle n'y fit pas  attention. Elle sonna au troisième étage.

Une femelle brune vint lui ouvrir.

-Je suis désolé mademoiselle mais c'est fermé, monsieur Lafferté est absent

Elle n'eut pas le temps de poursuivre, d'un revers de main, elle fut assommée.

L'extraterrestre rentra et ferma la porte.

La pièce était petite et garnie d'un unique bureau de style moderne. La moquette témoignait de nombreux passages. Il n’y avait rien de précieux en ces lieux. Elle alla jusqu'à une porte capitonnée, mais à son grand étonnement elle lui résista.

Premier indice tranchant sur la banalité de l'antichambre, la porte était en acier blindé.

Il lui fallut plus de cinq minutes pour modifier sa main droite en quelque chose de mou qu’elle pu introduire dans la serrure.

Elle donna à sa main la forme d'une clef, dont elle figeât les molécules pour la rendre solide. Il lui suffit ensuite de tourner son bras pour ouvrir la porte.

Elle aurait pu rester ainsi, mais elle préféra refaire son camouflage.

Plus de dix minutes furent nécessaires pour se reconstituer une main identique à la première.

Elle alla directement au grand coffre, sans s'arrêter un seul instant sur les meubles, la table recouverte de velours bleuté ou même les tableaux de maîtres savamment disposés sur les panneaux muraux

Elle avait besoin d'argent liquide, et peut être aussi quelques diamants, moyen pratique de conserver une fortune dans un volume modeste.

Elle réfléchit.

Pour ouvrir ce coffre fort massif mais un peu ancien, dont les dimensions étaient celle d'un réfrigérateur peut-être un peu trop trapu, il aurait fallut à un voleur professionnel, beaucoup de matériel ou des renseignements précis.

Pas pour un extraterrestre. Elle amplifia ses sens tout en manipulant les boutons. Percevant les cliquetis du mécanisme, elle trouva ainsi facilement la combinaison de quatre chiffres.

Restait la serrure qui ne posait guère plus de difficultés que celle de la porte.

 

Il sembla à Corinne qu'élIe émergeait d'un brouillard gluant. Dans sa tête les questions se heurtaient comme des autos tamponneuses. Ses souvenirs, peu  à peu revinrent: Et alors, elle vit quelque chose d'ahurissant!

 

La porte blindée du cabinet de son patron, toujours close en son absence était ouverte.

Elle échafauda les hypothèses les plus abracadabrants. Elle devait s'être évanouie et être restée inconsciente des heures durant, jusqu'au retour du négociant.

Elle s'approcha du bureau, mais ne le vit pas. Dans la pièce, il n'y avait que la jeune femme, qui, elle le comprenait maintenant, l'avait assommé.

Comment était-elle parvenue à forcer la porte blindée? Mystère, mais apparemment, elle en avait maintenant au coffre.

-Restez où vous êtes !

En entendant quelqu'un derrière elle l'extraterrestre se retourna.

L'humaine s'était réveillée.

Corinne fixa soudain la main qui' n'en était plus une, cette clef, comme soudée au bras. L'extraterrestre eut l'absurde envie de parler.

-Tant pis pour vous terrienne,  quoique cela n'ait que peu d'importance, un peu plus tôt, un peu plus tard, tous les terriens finiront de toutes façons par y passer.

Corinne entendait ses mots cruels.

Mais elle ne parvenait pas à détacher ni son regard de cette main de cauchemar.

A la fin, ne pouvant plus se retenir, elle poussa un grand cri strident.

 

Jack n'était pas satisfait, il lui semblait avoir oublié une question capitale. Soudain, il se la rappela, et il fit demi-tour en maugréant.

Mais, dans la cage d'escalier, tout près de troisième étage, il entendit le cri terrible, Il sut que c'était le sien. Celui de Corinne.

Au lieu de frapper vainement à la porte, il enjamba la petite fenêtre ouverte pour aérer le couloir, sauta sur le balcon tout proche. Il enfonça du coude le carreau sans se soucier de se blesser, ouvrit la fenêtre et entra dans l'antichambre déserte.

Mais la porte du cabinet était ouverte et il s'y précipita. Là, ce qu'il vit le médusa, lui retirant un faible instant toute initiative.

 

L'inconnue croisée quelques minutes plus tôt, luttant furieusement contre Corinne.

Retrouvant ses esprits, Jack tenta de les séparer.

Il reçut pour toute récompense un coup d'une force surhumaine qui l'envoya valser à l'autre bout de la pièce.

Renonçant à jouer les héros, il se jeta sur le bureau pour en ouvrir un tiroir, sachant qu'il contenait un automatique. Il le saisit et se retourna vers les deux combattantes.

Corinne gisait, inerte sur le sol. L'inconnue regardait impassible le museau noir du 9 mm.

-Ne bougez plus ce joujou n'est pas une plaisanterie.

-Calmez-vous, je ne ferais rien.

L'extraterrestre réfléchissait à toute vitesse. L'arme était-elle dangereuse? Oui, certainement. Aurait-elle le temps de modifier ses molécules pour rendre invulnérables ses tissus. Non, assurément non. L'homme risquait de tirer s’il la voyait se concentrer pour se transformer. Elle le sentait, il était trop nerveux.

Elle n'était pas télépathe, mais pouvait déceler les émotions des animaux de types moyens, tels ces terriens.

Jack n'était pas une mauviette, pourtant il crut qu'il allait défaillir:

Le bras de l'inconnue, un bras normal, humain se terminait en une clef.

Il blêmit, puis comme s'il se rattachait à la dernière bouée le liant au monde normal, il saisit le téléphone, et demanda rapidement.

-La police, vite, s'il vous plait

-Non, non, je vous en prie, n'ayez pas peur, il n'y a rien de surnaturel dans ce que vous avez vu.  Si vous me laissez une chance, je vous expliquerais mais je vous en supplie, n'appelez pas.

Il ne fallait pas attirer si tôt l'attention de ces barbares.

Jack hésita. Il la détailla comme pour la jauger: C’était une jolie femme, la trentaine, des traits trop pures, une longue chevelure brune encadrait un visage d'un ovale trop parfait. Ses sourcils très fins soulignaient les yeux très étirés, presque orientaux, qu'il compara à deux flaques vertes de Jade. Un nez délicat au-dessus d'une bouche bien dessinée (trop?)sur une peau très lisse(trop uniforme?) au bronzage homogène. De taille moyenne, elle portait une robe bleue marine d'un classicisme irréprochable) s'arrêtant à mi-mollets.

Jack admit à contre cœur qu'un certain charme se dégageait de l'inconnue.

Il en fut troublé.

Il raccrocha.

- Bon, je vous écoute, mais attention, je suis journaliste, et n'espérez pas me tromper.

L'inconnue changea ses projets. Il était évident qu'elle commettait depuis son arrivée erreurs sur erreurs, et cela par ignorance. Elle avait besoin d'un guide, or un journaliste serait un guide parfait. Il lui suffisait de l'envelopper dans quelques mensonges habiles pour en faire un allié qui l'aiderait dans sa tache de destruction.

Tache aisée pour son super cerveau:

-Comme vous avez pu le voir, j'ai le pouvoir de modifier mon apparence, mais i l n'y a aucune sorcellerie. Je suis tout simplement une extraterrestre et ces facultés sont très communes pour mon peuple.

Il la regarda ostensiblement de la tête aux pieds.

- Mais, bien sûr, dit-il, j'aurais dû le voir plus tôt, c'est évident, vous avez un tentacule sortant du cou, persifla le journaliste.

Le visage parut se tendre comme si elle réalisait un prodigieux effort.

Le sourire moqueur de Jack mourut à peine né.

Du cou de l'inconnue, une excroissance naissait, grandissant, s’allongeant en un tentacule, tout comme il l’avait dit par plaisanterie.

-Je vous crois, ajouta-t-il en s'asseyant lourdement derrière le bureau, dans le fauteuil bien rembourré. Après tout, transmutation, hypnose ou autre, au point ou nous en sommes, il est en effet encore plus rationnel de vous croire.

Son ton était quelque peu désabusé.  Continuez, madame l'extraterrestre.

-Appelez-moi Poly, c'est le nom terrien que je me suis choisi, vous comprenez, polymorphe.

Jack resta sans réaction, mais garda l'automatique braqué. Elle reprit alors sur un ton désespéré:

- Hé bien, il faut également me croire quand je vous dis que je ne veux aucun mal aux terriens.

Jack haussa les épaules, l'air de dire « Moi, je veux bien mais…."

- Et Corinne, demanda-t-il en désignant la jeune femme allongée, il ne s'en était guère préoccupé jusqu'à cet instant, il savait qu'elle respirait ne lui voyait aucune blessure, et en avait conclut qu'elle prolongeait l'inconscience provoquée par les coups par un évanouissement. Après tout, ce n’était qu'une femme.

-A elle non plus, vous ne lui vouliez aucun mal? Précisa-t-il impitoyable.

Poly n'en parut pas troublée, elle poursuivit sans flottement son idée.

- Mais non, je vous assure!

Abandonnant son air enthousiaste, elle hocha tristement la tête:

- Les planétaires montrent bien peu de compréhension envers l'inconnu, l'étranger, le différent.

Comme le chien qui aboie quand il a peur, ils attaquent ce qui les effraye.

Celle que vous appelez Corinne s'est affolée et s'est jetée sur moi, j'ai dû me défendre.

- Hum, vous y avez été fort, répliqua Jack, se remémorant la façon dont elle l'avait écarté du combat.

- Sous la surprise je n'ai pu me contrôler, mais j'en suis sincèrement désolé.

- VOUS MENTEZ!Ce n'était pas une erreur, vous avez essayez d'ouvrir le coffre!

Corinne qui devait simuler déjà depuis quelques temps une inconscience stratégique se redressait soudain pour accuser avec fougue.

- Mais c'est faux, s 'écria Poly, puis la voix chargée de remords, oh, ma pauvre Corinne comme je regrette, ce doit être ce coup sur la tête qui vous fait délirer.

- Laissez ma tête tranquille et ne m’appelez pas votre Corinne, et qui donc a ouvert la porte ? Et qui m'a assommé dans l'entrée?

- Mais personne! Vous vous êtes évanouie en m'ouvrant (sans doute la chaleur), je cherchais de l'eau, mais il n'y en avait pas, j'ai simplement utilisé mon pouvoir pour aller voir s'il y en avait à coté.

- Bon, mes souvenirs sont assez confus la-dessus, mais pour le coffre, je n'ai aucun doute, vous aviez déjà la clef dans la serrure!

- Je le nie!

- Mais…

- Cessez Corinne, coupa sèchement Jack, laissez-moi faire. Puis se tournant vers Poly maintenant assise face à lui.

-Que veniez-vous faire chez monsieur Lafferté.

-  Voilà, expliqua-t-elle, je suis venue pour étudier la Terre, hé oui, je suis un peu comment dire, universitaire, mais j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider dans cette visite. Seule, je risquerais de commettre des impairs. J'avais choisi monsieur Lafferté, mais je pense que vous qui êtes journaliste, vous me seriez d'un plus grand secours. Soyez mon guide, Jack!  Si j'étais reconnue, on me déclarerait monstre ou sorcière, et je serais abattue ou brûlée, peut-être torturée.

Elle tentait de l'apitoyer, de faire appel au ridicule mythe de l'aide envers le plus faible. Elle connaissait la psychologie humaine, elle était sûre de réussir. Il l'aiderait, Il lui enseignerait la terre, et alors plus rien ne pourrait l'arrêter, elle déchaînerait les désordres propices à l'invasion  projetée.

- Elle ment, ne l'écoute pas Jack, lança Corinne dans un cri plein de haine, suis mes conseils Jack, moi jè dis la vérité!

Poly répéta simplement d'une voix désolée, fatiguée

- Comme le chien qui aboie.

Puis elle ajouta, suppliante:

- Oh Jack, je me sens si perdue sur cette terre hostile, je vous en prie, soyez mon guide

- Quelle est votre vraie apparence, l'interrogea le journaliste avec curiosité.

- Quelle importance, répondit-elle d'un ton las, vous ne comprendriez pas. Sachez simplement que je suis arrivée groupement d’atome imperceptible aux sens humains. Par concentration j’ai pris la forme féminine que je m'étais choisie. Qu'importe ce que je suis hors de cette planète, ici, je suis une femme conclua-t-elle avec un ravissant sourire qui épanouit son visage.

Elle avait choisi cette forme pour le pouvoir qu’elle exerçait sur l'autre sexe, par ailleurs, dominant.

Elle répéta et poursuivit :

-         Je suis une femme à présent avec les désirs d’une femme, et vous savez Jack, être une polymorphe a ses avantages, je peux être la femme que vous voulez Jack.

Etait-ce une illusion, mais il lui sembla tout à coup que sa poitrine était plus ample, sa taille plus serrée, ses hanches plus larges.

-         Quels sont vos désirs, Jack

Elle fit varier ses formes en fonction des désirs qu’elle percevait chez Jack, ce qu’on appelait la libido.

Corinne, ahurie vie l’extraterrestre se transformer en une blonde à la poitrine hypertrophiée.

L’extraterrestre, elle triomphait, sentant la libido de Jack atteindre des sommets. Mais il y avait aussi autre chose, comme de la méfiance.

celle de Corinne.

 

- Je vous le répète, je ne désire que le bien terriens, vous me croyez n'est-ce pas Jack?  Questionna-t-elle encore avec cette fois une de réelle inquiétude.

Jack n'avait jamais été très bavard, sauf soul bien sur, sa réponse fut comme à son habitude laconique. II répondit sans passion, si bien qu'elle surprit Poly qui surveillait pourtant ses émotions:

-Non.

Et il tira simultanément deux balles dans le corps de la jeune femme devant lui. Elle tomba à terre. Corinne et lui se penchèrent sur le corps ne respirant plus mais cependant vivant encore.

Il lut la muette question dans les yeux verts.

-POURQUOI,quelle était son erreur, comment avait-il deviné, quelle preuve avait justifié à ses yeux ce jugement sans appel.

Il lut la même question dans les yeux de Corinne. A elle il répondit, un peu embarrassé.

-J’étais sûr qu'elle mentait, elle avait sciemment choisi un corps de femme, ce ne pouvait être quelqu’un de bien.

Corinne en fut stupéfaite. Le monde avait-il été sauvé par la misogynie d'un homme?

L’extraterrestre murmura :

-         Je n'avais aucune chance, suis tombée sur un monde de Dingues

Elle tenta un instant d'endiguer sa mort.

Ce fut une lutte de plusieurs minutes pendant lesquelles, elle chercha à muter ses cellules malgré la douleur. Mais déjà l'oxygène manquait à son cerveau encore humain, et elle mourut.

Alors les atomes de son corps se dispersèrent et elle disparut aux yeux des deux humains.

            * ****   *          *****    *          ******

L'homme sentit l'épuisement de la secrétaire. Désireux de la réconforter, et de plus en plus gêné, il lui dit:

-Allons, Corinne, oubliez ce cauchemar et il la prit par la taille.(que lui arrivait-il?) Venez, je vous paye un pot! Vous l'avez bien mérité.

-Comment! (elle prit un air faussement indigné) Monsieur Duseuil! N'avez-vous pas peur de boire un verre fraternellement avec une femme, de plus réputée intelligente ! Imaginez tous les sales tours que peut imaginer mon esprit ou peut-être avez-vous perdu votre misogynie?

Il lui répondit d'un ton qu'il eut du mal à rendre bourru:

-Hum! Laissez tomber vos salades, vous n'y êtes pas du tout, rien n'est changé. Et il conclut philosophiquement Oh! Après tout, je ne peux pas vous en vouloir d'être une femme, vous ne l'avez pas choisi vous.

Elle sourit, mais ne fut pas dupe.

 

 Une fois dépoussiérée, je trouve que l'histoire tient encore le choc.

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