Disparition

 

"Le lieutenant Stix est prié de se présenter de toute urgence au bureau central 003"

Je me demandais ce qui pouvait motiver un appel au troisième degré, qu'avais-je bien pu faire encore! Enfin, je me consolais en pensant que je n'avais probablement tué personne, sinon la quatrième formule, "mort ou vif" aurait remplacé le "de toute urgence".

 

Pourtant, rien à l'origine ne prédestinait ce deux juillet à trancher sur la monotonie quasi-séculaire. Comme tous les jours en général, et ce vendredi en particulier, je passais par mon centre pour l'appel quotidien, juste avant ma ballade matinale.

 

"Le lieutenant Stix est prié de se présenter d'extrême urgènce au bureau 003"

 

Voilà, voilà, j'arrive, Inutile de s'impatienter, grommelai-je, tout en sachant que la délicieuse Martine au standard ne pouvait m'entendre.

 

Couloirs, Ascenseur et encore couloirs et j 'y étais.

Le niveau Zéro étant le siège du commandement, je vérifiai ma tenue puis rectifiai ma position avant d’appuyer sur le bouton d’appel. 

Aussitôt, la porte glissa sans bruit dans le mur. Il traversa sans s'arrêter l'antichambre où une secrétaire stéréotypée lui adressa un sourire impersonnel.

Murs métalliques, moquette grise, table de travail classique, le bureau suivant ne péchait pas par excès de décoration.

Il salua impeccablement l'homme assis qu'il supposait être son supérieur.

Le dignitaire, vêtu d'un collant noir étincellent, se contenta de l'examiner d'un œil sévère, sans lui rendre son salut.

Nullement impressionné, Dan détailla lui aussi son vis à vis. Malgré un début d'embonpoint, il devina que le fonctionnaire n'avait sans doute pas toujours occupé un poste sédentaire.

L'homme aux tempes argentées se décida enfin à rompre le silence:

-         Asseyez-vous lieutenant, dit-il en lui désignant un des deux fauteuils face à lui, avant d'ouvrir ostensiblement une chemise, sans doute son dossier.

Dan s'exécuta sans trop d'enthousiasme.

-         Vous avez 18 ans et demi et vous êtes dans nos services depuis six mois à la suite d'une ténébreuse affaire où vous futes très brillant. Vous n'étiez alors que Cadet. Vous totalisez soixante jours de vols, ce qui est beaucoup pour cette époque où les voyagés astronautiques coûtent cher et où les missions dans l'espaces, sont par conséquent fort rares.

-         J'étais volontaire Monsieur, précisa Dan, ignorant toujours le grade de ce supérieur peu commun.

-         Je sais. je sais, et je l'apprécie, les vocations se font rares, dans notre civilisation de raffinés ,vos collègues courent plutôt après les fêtes qu' après les missions. Mais ce n'est pas pour cela que je vous ai fait appeler. Nous avons, vous le savez, un autre domaine de travail, nous servons de police spéciale, et je vais aujourd'hui vous confier votre première mission à ce titre.

Dan se sentit très déçu, il n'aimait guère le métier de flic, tout en reconnaissant sa nécessité. Sa passion était l'espace, son immensité qui le dépaysait de la cité planétaire, sa liberté enivrante. On le plongeait dans un monde sordide, petit.

-         Vous allez enquêter sur une disparition!

-         Une Quoi? Vous ne pouviez pas donner ce boulot à un fonctionnaire de troisième zone?

-         Nous l'avons fait! Vainement.

-         Mais voyons, une vraie disparition, ça n'existe pas! Vous connaissez sa longueur d'onde biologique?

-         Bien sur, la première semaine, nous avons déclenché les détecteurs des lieux publics, et comme la cité recouvre toute la planète, il lui a été théoriquement impossible de se cacher, mais néant.

 

Les recherches durent maintenant depuis quinze jours, nous avons même ratissé tout Earf avec la sonde planétaire.

-         Incroyable!

-         Je ne vous le fais pas dire!

-         Mais pourquoi faire appel à un enquêteur? N'est-ce pas un problème pour scientifique ou ordinateur ?

-         Je vais vous le dire. Nous pensons qu'il s'agit d'un meurtre et nous connaissons le coupable.

La victime est une femme riche, et son mari qui n'a rien devait vivre de sa générosité. Or cette puissante dame était peu prodigue à ce qu'on dit. Evidemment, sans preuves, et seule l'autopsie aurait pu nous en fournir en l'absence d'indice ou de témoin, l'ordinateur refusera de le condamner sur simple mobile. Surtout avec l'influence dont il dispose par les relations de sa femme, nous ne pouvons nous permettre d'erreur.

-         Il y a cependant quelque chose que je ne saisi pas. Sans corps, ou même détection de ses atomes, il n'y a pas mort, Il ne touchera rien.

- Vous vous trompez lourdement lieutenant, vous n'avez pas suivi vos cours de droit, il est vrai que je me réfère à une loi non appliquée depuis plus de trois siècles, depuis l'invention de la sonde biologique. En cas de disparition, si on ne découvre rien d'ici deux ans, la mort sera officiellement déclarée.

*

*

Le concorde venait d'effectuer son premier tour d'approche autour de la piste d'atterrissage, lorsque la panne se produisit: Tous les réacteurs s'étaient arrêtés.

Le pilote manipula fébrilement les commandes. Un seul moteur daigna répartir.

Félix imaginait sans peine la panique des passagers. L'équipage devait essayer de les rassurer.

Les ailes Delta du supersonique ne le préparait guère au vol plané, et Félix voyait mal comment l'appareil réussirait à atterrir avec un seul réacteur, de plus défaillant.

Le pilote regretta d'avoir fait effectuer un looping à son avion non conçu pour le vol renversé, cette extravagance était sans doute responsable de ses ennuis actuels, si encore il y avait fait installé des antigravs de sécurité, il aurait pu facilement s'en sortir, mais ce n'aurait plus été vraiment le Concorde. Si on choisit de conserver des images du passé, il faut les respecter fidèlement.

L'avion descendait rapidement, trop vite, il tanguait dangereusement malgré l'habilité du pilote, car bien sur, impossible de brancher le système d'atterrissage automatique.

Félix entendait comme s'il y était les cris dans la carlingue, les prières depuis longtemps oubliée revenues à la mémoire comme par miracle, et prononcées avec ferveur, les évanouissements des femmes et aussi de quelques hommes, les derniers serments de deux amoureux au fond.

Il voyait la pagaille complète, refusant d'écouter les conseils des hôtesses certains avaient détaché leurs ceintures, et ils étaient jetés pêle-mêle à chaque embardée de l'avion. Quelques-uns même cherchaient la porte préférant se lancer dans le vide, croyant naïvement échapper au choc.

Oui, Félix qui suivait attentivement les évolutions de l'appareil dans le ciel était doué de beaucoup d'imagination. Il ordonna pour plus de sécurité aux voitures anti-incendie d'entourer la piste, ce qu'elles firent dans une cacophonie digne des grandes catastrophe.

Félix crût un moment que l'avion allait finalement toucher le sol sans casse quand

-         Monsieur Delling?

 

Une seconde, l'appel l'avait distrait.

L'aile heurta la piste avant les roues, et l'avion capota misérablement.

Rouge de rage, Félix se retourna pour détailler l'inconnu qui l'avait dérangé au moment critique. Il découvrit un jeune homme de moins de vingt ans habillés d'un simple collant le moulant étroitement.

-         A cause de vous, je viens de perdre une de mes plus belles pièces, un Concorde du vingtième siècle que j'avais mis des heures à construire.

 

Un peu interloqué, Dan regarda assez contrit le modèle réduit d'une cinquantaine de centimètres de long qui flambait un peu plus loin.

-         Je suis vraiment désolé, je ne savais pas, mais vous êtes bien monsieur Delling

 

-         Si vous cherchez un emploi jeune homme, vous avez de la chance que je ne m'occupe pas de ces questions, il y a un bureau pour cela, mais je doute que de toutes façons…

-         Vous. vous méprenez, c'est justement mon travail qui m'amène ici, je suis enquêteur

-         Encore, mais vous ne me laisserez donc jamais en paix! Votre collègue m'a déjà assez dérangé comme ça

-         Oserai-je vous faire remarquer, qu'il s'agit de votre femme.

Cet argument calma quelque peu le bouillant Félix.

-         Pour votre avion, je suis au regret.

-         Il ne faut pas, cela a en fait peu d'importance finalement. Venez, nous serons plus tranquilles à l'intérieur pour parler. Les voitures de pompier miniatures sont programmées pour éteindre l'incendie, elles parviendront sans doute à sauver les mini-réacteurs qui sont en fait les seules pièces réellement précieuses. Ne vous inquiétez pas, c'est de ma faute, j'ai voulu lui faire faire des acrobaties, c'était idiot.

Dan acquiesça par politesse, car il ne s'intéressait pas du tout aux modèles réduits.

-         Excusez mon indiscrétion monsieur…

-         Stix, Dan Stix, mais ne vous gênez pas, allez-y.

-         Voilà, pourquoi une deuxième enquête, et par quelqu'un d'aussi jeune?

-         C'est simple, je ne suis pas un fonctionnaire ordinaire, je suis un agent du service spatial, qui, vous ne l'ignorez sans doute pas constitue une sorte de police, or c'est assez cynique de parler ainsi, j'en suis conscient, l'affaire qui vous concerne est assez originale.

 

-         Surtout, ne vous en offensez pas, mais pourrais-je voir votre carte.

 

 

-         Mais bien sûr, au contraire, c'est une sécurité pour le citoyen.

 

Il lui montra sa carte, mais au lieu de s'en satisfaire l'autre la prit pour l'examiner minutieusement. Dan en profita pour détailler le suspect.

La belle quarantaine, petit, mince, il n'était habillé que d'une robe de chambre de soie multicolore très chic.

Dan se sentait mal à l'aise, peut-être à cause de la chaleur. Il n'était pas habitué au climat de l'équateur. Peut-être à cause de la grande propriété. Car lui devait comme 99% de la population se contenter d’une petite cellule dans un grand immeuble.

On aurait pu en construire deux rien que dans la pièce où il attendait, assis sur un canapé, que l'autre lui rendit sa carte.

Et puis l'homme aussi lui déplaisait, il avait tout du raté qui croit avoir de la classe.

Dès cet instant, il sut que cet homme était capable de tuer, car jamais il ne pourrait se passer de luxe.

Delling lui rendit sa carte.

-         Soyez franc avec moi, lieutenant, je suis soupçonné n'est-ce pas ?

-         Sincèrement, je m'en fous, monsieur. Mon seul but est de retrouver votre femme.

-         Vos paroles ne me choquent pas, mais elles m' étonnent, que puis-je pour vous?

-         Tout d'abord, je suppose que vous préférez que je prenne pour postula-t votre innocence.

-         Je vous avoue que cela me serait agréable.

-         Alors, votre intérêt est de m'aider.

-         Ou votre femme est vivante, et il vous sera agréable de la retrouver, ou elle est morte. Dans ce dernier cas, si je découvre son corps, je vous fait gagner deux ans, vous me comprenez ?

 

Deling scruta curieusement le. visage du jeune homme qui le déconcertait par son habilité, et il se dit qu'il lui faudrait s'en méfier. Il décida d'être très très prudent.

 

-         Tout à fait d'accord avec vous monsieur Stix. Tenez, il vous sera sans doute plus facile de travailler si vous restez ici, je vous invite, cela vous convient-il ?

 

Dan savait très bien que Delling ne cherchait qu'à le mettre en confiance, peut-être à l'épater, mais il accepta, car ça favorisait ses plans. Il n'avait naturellement pas blanchit dans son esprit son hôte, et cela lui permettrait de mieux l'étudier.

-         Ma modeste maison vous convient-elle, comment trouvez-vous mon jardin?

 

Dan contempla un instant le gazon plus égal qu'un tapis, les arbustes fleurissants, les parterres colorés de fleurs disposées pour dessiner tel ou tel motif, puis une clairière recouverte de mosaïque turquoise, avec en son centre l'immense piscine ovale dont l'eau miroitait au soleil.

A son bord, une chaise longue, et là, le modeste agent de la P.S. (Patrouille spatiale) cilla. Le puissant monsieur Delling n'avait certes pas perdu son temps à pleurer sa femme, et semblait se moquer des convenances.

Une séduisante beauté se dorait nonchalamment au soleil en costume de bain, grande blonde sculpturale, elle devait coûter très cher au "veuf éploré".

- C'est Gloria, expliqua-t-il avec fierté comme s'il lui présentait le dernier glisseur à la mode chez les milliardaires.

 

Un peu amusé, Dan se demanda s'il n'allait pas lui proposer de l'essayer pour en apprécier les reprises.

-         J'accepte avec reconnaissance votre proposition, et j'ajoute que ce sera presque un véritable plaisir de travailler dans un tel cadre, votre propriété est enchanteresse.

 

Voilà pour la politesse, pensa-t-il en lui.

-         Oui je sens que dans de telles conditions je parviendrai à la vérité, car je vous le promets monsieur, je découvrirai le fin mot de l'énigme.

Comme cela, il est averti que tout cet étalage ne m'a pas impressionné.

-         y-aurait-il donc une énigme ?

 

Dan réfléchit quelques instants avant de choisir son style et opta pour le style naïf imbécile.

-         Ne le saviez-vous pas? Vous a-t-on expliqué lors de la première enquête ce qu'est une sonde biologique ?

 

-         Je la connais vaguement grâce à la télévision, comme tout le monde, mais votre prédécesseur s’est bien gardé de me confier cet atout !

 

 

Ce que le lieutenant Stix traduisit sans sourciller par : Vous êtes un parfait idiot si vous confiez toutes vos déductions au suspect numéro un. Mais il n'en avait cure, au contraire, ça faisait partie de "son" personnage dans le curieux jeu du chat et de la souris auquel il participait.

-         Alors vous en savez assez pour comprendre que votre femme n’est plus sur Terre, du moins en tant que groupement ordonné d'atome!

-         Vous pensez donc à une désintégration?

-         Pas le moins du monde, les appareils publiques poubelles ou autres sont protégés pour ne pas détruire de chaire humaine.

-         Alors vous supposez qu'elle serait sur une autre planète.

-         Même pas, l'enquête prouve que madame Delling n'a pas approché un seul astronef privé ou commerciale.

-         Les hommes sont faillibles, il est toujours possible…

-         Les détecteurs ne mentent pas, son passage aurait laissé une trace biologique.

-         Mais alors! Si elle n'est ni ici ni ailleurs, c'est complètement absurde.

-         Vous voyez bien que l'énigme existe.

 

*

*

Dan ne parvenait pas à trouver le sommeil.

Les questions se bousculaient en plein désordre dans son cerveau, il n'était pas satisfait de lui. Bien sûr il était parvenu à ses fins, le petit Félix devait se sentir acculé devant cet enquêteur sortant de l'ordinaire.

Malheureusement, le raisonnement développé par tactique n'était que trop juste, le problème était aussi absurde qu'insoluble.

Un seul espoir, que le coupable explique lui-même la solution et en détails.

Autant invoquer le père Noël.

*

*           

Dan se leva le lendemain matin de fort méchant humeur.

Il était plus de neuf heures, il jura tout en s'habillant, et descendit aussitôt.

La maison semblait vide. Haussant les épaules, il se dirigea vers la cuisine, puis se ravisant, retourna en courant vers sa chambre. Il préleva de sa valise une lourde sacoche, maudissant son imprévoyance qui le forçait ainsi à faire de multiples allez-retours.

Enfin à pied d'œuvre, il programma rapidement son petit déjeuné avant de s'approcher du vide ordure. Rien à voir avec les ouvertures nauséabondes de même nom de l'age pré-atomique.

Non, de petites boîtes simples, propres et efficace. A titre d’essai, il y glissa une petite boîte d'allumettes, referma, appuya sur le bouton rouge, et ouvrit. Il n'y avait plus rien. Malgré lui il frissonna en scrutant les parois noires mates, absentes de toute impureté.

Cela provoquait toujours un certain malaise en lui.

Il ne craignait nullement les armes desintégrantes, mais qu'une telle puissance fut utilisée comme gadget ménagé l'indisposait.

Il authentifia ensuite le plombage inimitable. Néant, le vide-ordures n’avait pas pu être trafiqué. C’est en effet possible pour un spécialiste de modifier le réglage du rayon, les armes par exemples n'étaient évidemment pas munies d'une telle sécurité.

Il ne fut cependant pas étonné d'un tel résultat. Tous les desintégrateurs à la portée du couple avaient été vérifiés.

 

Et pourtant, un vide ordure modifié en chambre de mort aurait été la solution. Un humain coupé en menus morceaux disparaissait ainsi de la surface de la terre sans -laisser de trace. Le cas était connu et cité aux élèves cadets.

Dan sortit ensuite de son sac à miracle un détecteur portatif d'ondes biologiques réglé sur la disparue. Il promena au hasard le micro. Le haut-parleur grésillait plus que faiblement, résultat habitUel obtenu dans un locale fréquenté par la personne recherchée, Il tressaillit en notant une très légère saute dans la trame sonore, alors qu'il passait devant l'un des tiroirs à rangement. Il l'ouvrit doucement, et le signal devint plus fort.  Il n'y avait que des couverts qu'il passa un par un devant le micro. Devant un couteau à gigot, l'appareil fut comme prit de panique, en hâte, il diminua la sensibilité de la petite boite noire.

Avec curiosité, il examina le responsable de cette réaction. ll nota sur la lame des petites taches de rouille et une autre un peu rouge. Pas de doute du sang était la cause de cette oxydation.

Il vérifia le cadran de son détecteur et acquit une autre certitude, ce sang appartenait à la victime.

Sa découverte impliquait un véritable déluge de question. Alors qu'il allait rejeter l'hypothèse de la désintégration, voilà qu'il découvrait l’outil possible pour faire disparaître la victime. Et pourtant, il ne pouvait que faire confiance au dossier.

Aucune chambre destructrice n'avait été modifiée, et de toute façon le sieur Delling ne possédait pas les qualifications requises pour ce genre de bricolage, alors ?

            *          *

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*

 

Il lui fallait à tout prix poser quelques questions Explorant les alentours, il tomba sur Gloria, prenant un bain de soleil à la même place que la veille. Dan se demanda avec amusement si elle ne faisait pas partie du décors, Delling lui avait peut-être imposé de prendre son service de huit heures du matin à six heures du soir entre le peuplier et la piscine.

 

Savez-vous où se cache monsieur Delling, miss ?

Elle entrouvrit à demi ses yeux, sans doute pour identifier le maladroit qui lui faisait de l'ombre. Reconnaissant l'invité du seigneur et maître des lieux, (elle avait du recevoir des instructions) elle répondit par un chaud sourire.

-         Appelez-moi Gloria comme tout le monde.

Se redressant à demi, elle indiqua une bâtisse à quelques centaines de mètre.

-         Voyez-vous de hangar, là-bas?  Félix fait ses essais tous les matins, juste devant.

-         Merci pour le renseignement, Gloria.

 

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Félix s'affairait sur une petite fusée d'un mètre de haut, il n'entendit pas l'enquêteur arriver.

-         Est-ce cette fois-ci encore une reconstitution historique, monsieur Delling? Mais je vous en prie, ne vous occupez pas de moi, je m'en voudrai d'être à nouveau la cause d'une catastrophe aérienne!

-         Mais non, mais non, lieutenant, vous ne me dérangez nullement. Déjà levé?

-         he, il _est déjà tard!

-         Pour moi, il est tôt, et si je n'avais pas mes essais… A propos, vous faites erreur, ce n'est pas la maquette d'un engin d'Antan, mais bel et bien une mini-fusée télécommandée du présent. Ma véritable passion est de satelliser ces robotnefs construites de mes mains. Tenez, suivez-moi!

Dan accompagna Delling. Il découvrit une véritable table de contrôle munie d'un vrai tableau de bord de spationef.

Après quelques réglages, Félix appuya sur un bouton rouge.

Un éclair sur la piste. Déchaînant sous elle un déluge de feu, la mini-fusée s'éleva majestueusement dans le ciel.

-         Regardez, lieutenant stix, comme c'est beau.

-         Elles n'ont aucun dispositif antigrav il me semble!

-         C'est juste, ce perfectionnement est hors de portée pour de multiples raisons. Primo je n'ai pas les hautes connaissances en physique et en électronique nécessaire, ce serait encore bien plus compliqué que de mettre au point un moteur atomique. Secundo, ça coûte très cher. Tierco, la fusée est bien trop petite. Cependant les revêtements antithermiques ont fait de gros progrès, on peut sans risque de voir fondre le moteur employer des carburants au coefficient de poussée bien plus fort que jadis. Comment croyez vous que j'aurais pu faire voler un Concorde. Plusieurs décennies après son invention, le système à réaction était encore bannit de l'aéromodélisme !

-         Passionnant, vous me semblez vraiment mordu !

-         C'est vrai, je, dois vous avouer que je n'ai jamais été un homme d'affaire, c'est surtout Solange, ma femme qui s'occupait de ces questions.

-         En somme, c'était elle l'homme d'affaire! Delling rit franchement de la plaisanterie sans s'en offusquer.

-         Oui c'est tout à fait ça, mais je pense que vous devez avoir un motif autre que celui d'admirer mes installations, pour venir me voir.

-         C’est tout à fait juste, monsieur Delling, j'avais ceci à vous montrer, et il sortit d'un geste un peu trop théâtrale le couteau découvert

Mais l’autre ne se démonta pas.

-         Ah! Je vois que vous avez trouvé le couteau avec lequel ma femme s'est coupée en voulant découper un canard.

-         Quoi! Dan était franchement déçu.

-         Oui, vous savez ce que c'est, avec un découpeur automatique, tout est plus facile, le mini-moteur du manche actionne la lame et hop, sans effort le tour est joué. Il y a même bien moins de risques de se blesser qu'avec le couvert classique, qui glissait lorsque vous forciez. Mais voilà puisque la main est dessous, l'entaille est bien plus profonde Ma pauvre Solange saignait comme un bœuf. Enfin, un peu de pommade cicatrisante et le tour était joué. Je constate cependant, lieutenant, que pour vous je suis toujours suspect. Qu'avez-vous encore été imaginer ? Que j'avais découpé ma femme en petits morceaux ? L'explication vous satisfait-elle.?

-         Bien sûr, monsieur, d'ailleurs je soupçonnais bien quelque chose de ce genre, répliqua l'enquêteur mentant affreusement, c'est parfaitement plausible.

 

Il rentrait vers la maison, la tête basse, nullement convaincu. Il avait lu comme un défi dans les yeux de Delling. Cela devait plaire au petit homme. Que la justice le sache coupable, et qu'il restât ainsi intouchable à narguer la puissante organisation policière.

Et pourtant, s'il n'avait pas employé un désintégrateur, pourquoi aurait-il du découper sa victime. L'avait-on conduit sur une fausse piste? Et si après tout, Félix le miteux n'était qu'une victime innocente.

Pourtant, tout à coup, ce fut la lumière, et Dan se reteint de lancer le fameux:

"Bon dieu mais c'est bien sur!"

Il n'avait aucune certitude, il lui fallait à tout prix se documenter. Il courut à sa bulle pour filer vers une bibliothèque.

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Il avait dit, donnez-moi une radio portative, je veux pouvoir entrer à tout moment en contact avec vous.

-         Ca y est alors, qu'est-ce que c'était ? Un désintégrateur auquel nous n'avions pas pensé? A-t-elle emprunté le yacht d'une amie inconnue de nous?

-         Je préfère ne rien dire, il me faut, encore poser quelques questions à l'intéressé

 

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C'était le lendemain matin. Dan retrouva cette fois encore Félix sur la zone je lancement.

Il n'alla pas par quatre chemins, il lui fallait bousculer le suspect pour lui faire perdre pied.

-         C'est fini, Delling, vous avez perdu, je sais tout.

 

Félix ne fut pas décontenancé, il craignait un coup ,de bluff.

-         Ah oui? Qu'avez-vous encore inventé? Pensez-vous toujours que j'ai séparé ma femme en petits morceaux, railla-t-il.

-         Parfaitement, mais d’abord, je voudrai vous poser quelques petites questions et inutile de mentir, je connais déjà les réponses.

-         Faites

- Quelle charge pouvez-vous emmener sur vos petits joujous?

-         Une dizaine de kilos environ, mais vous intéressez-vous maintenant au spatio modélisme?  Le sujet me passionne, mais je crois· que nous nous égarons.

-         Pas tant que ça, Delling, je vous accuse d’avoir tuer votre femme et d'avoir satellisé· son corps par petits paquets.

Voila, Dan avait porté le grand coup, pourtant Delling ne chancela même pas.

- Je vous admire stix, vous avez porté la seule accusation qu'il m'est impossible de réfuter. En effet, l'espace est grand, et il n'y a pas d’espoir d'explorer toute la périphérie terrestre

Dan réfléchissait à toute vitesse. Il prit son communicateur:

-         Avez-vous entendu? Qu'en pensez-vous?

-         Je pense que vous avez mit le doigt sur la solution, mais que sans le corps, c'est insuffisant.

Dan ne s'avouait pas vaincu, tout en surveillant l'expression du visage de Delling, de plus en plus déroutant. Le chef transmit ses ordres:

-         Hum, il a raison dans le sens que la sonde biologique ne porte pratiquement pas dans l'espace. Cependant toutes les orbites praticables sont littéralement saturées de satellites artificiels. Astronomie, communication, espionnage, prospections physique, sont quelques unes des matières qui exigent des laboratoires extérieurs à l'atmosphère. Munissez-les de détecteurs, d'ici moins d'une semaine, je suis certain que le corps sera retrouvé.

-         Ca va coûter un max

-         Je m'en fou,

Dan était nettement plus préoccupé par l'attitude dégagée de Félix, qu'en dites-vous monsieur Delling?

Dan ne comprenait plus rien, Félix n'était pourtant pas du genre à tenir le coup devant sa défaite! Alors?

-         Oh chef! Annulez tout.

-         Quoi? J'espère que vous savez ce que vous faites.

-         Delling, si vous êtes si tranquille, c'est que vous n'avez pas envoyé vos robonefs dans une zone fréquentée.

Insensiblement, Félix s'était rapproché de son tableau de bord. Jouant négligemment avec les commandes, il paraissait se désintéresser de l’affaire.

-         Delling, vous avez satellisé vos engins dans l'une des ceintures de Van Allen! Et vous venez à l'instant de leurs fournir l'accélération nécessaire pour les faire sortir. Je parierai trois mois de solde que vous les avez placés sur une fameuse trajectoire hyperbolique de libération

-         Vous délirez Delling!

-         Non! Mais vous venez de commettre une terrible erreur. Savez-vous pourquoi aucun satellite n'orbite vers neuf et dix-huit mille kilomètres? Parce que ces deux zones annulaires concentriques sont mortelles. Votre situation géographique,  nous sommes presque à l'équateur, vous a favorisé, nous sommes juste au dessous, vos robonefs ne risquaient pas d'être interceptées par un malencontreux hasard!

Cette fois Delling blêmit un peu.

 

-         Quand vous avez comprit que j'avais percé l'astuce, vous les avez éloignés, car connaissant l'altitude approximative de leur révolution.

-         Vous êtes complètement fou! Et même si c'était vous, comment retrouveriez vous ces prétendues elles sont perdues dans l'espace.

-         Mais voilà, elles ont fait un séjour dans une zone ionisante, elles ont été littéralement imprégnée de radiations atomiques, croyez-moi, il ne sera pas difficile de les retrouver, avec un vulgaire compteur Geiger longue portée.

Cette fois, le petit Félix, revenu le minable qu'il était sa femme vivante, s'effondra en pleurant.

En passant par la belle propriété pour reprendre ses affaires, Dan croisa Gloria.

- Il va falloir vous choisir un autre patron, miss!

Son sourire se figea d'étonnement, puis avec un soupir, elle fit demi-tour.

Dan la revit quelques temps plus tard, toujours aussi éblouissante, au bras d'un vieux PDG.

*

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*

Dan participa en personne aux recherches sur aviso dont on lui confia le commandement. Huit robonefs furent découvertes. L'autopsie dut accablante.

Le corps, le mobile, les aveux, l'outil du dépeçage, tout y était.

Félix fut condamné au bannissement sur Méphisto.

Il y connut un châtiment pire que la mort au contact de ses pareils, impitoyables.

Mais ce qu'il regretta par dessus tout, ce fut de ne plus pourvoir se consacrer au modélisme.

*

*

*

-         C'était réellement une idée diabolique.

-         Oui, heureusement que ses réactions m'ont aidé, car sans cela, jusqu'au bout il pouvait encore m'échapper.

-         Vous savez, je crois que vous êtes vraiment doué pour la police.

-         Vous permettez que je vous réponde franchement?

Le supérieur auquel il confiait ses dernières conclusions hésita imperceptiblement.

-         Allez-y, je n'ai rien à vous refuser.

-         Je déteste ce boulot de flic, je trouve la justice hypocrite, et j'espère que vous ne me donnerez pas de mission de ce genre avant longtemps!

-         Son idée ne manquait cependant pas de poésie!

-         Quoi?

- Jeter sa femme dans l'espace, n'était ce pas la solution rêvée.

 

 

(1060876)

 

 

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