Il rêvait de les atteindre un jour, de voir ces astres rouges, verts ou bleu, et qui sait peut-être que certains cachaient par leur clarté des planètes. Vu le nombre de petites lucioles s’inscrivant sur la voûte céleste, tout pouvait exister. Il s’imaginait, foulant ces mondes étranges, où dame nature avait pu lui réserver mille et une surprise. Il vit enfant les premiers colons partir pour Mars, mais cela ne l’intéressait qu’à demi. Ces mondes arides, l’homme malgré toute sa technologie n’avait réussit qu’à les rendre tout juste vivables. Il
visait beaucoup plus loin, Il voulait les étoiles. Mais on lui disait que c’était
impossible, on ne pouvait dépasser 300 000 km/s, la vitesse de la lumière. Christophe
ne se découragea pas. Il entra
dans l’école de l’espace, devint cadet puis reçut son diplôme de pilote.
Il fut un des premiers à assurer la ligne
régulière Terre-Mars, pour le compte de la New-space-corporation, mais il ne
renonçait pas, et étudiait le problème sous tous ses angles. C’est
Einstein qui avait découvert la vielle loi et monsieur Rice, car maintenant
Christophe s’appelait Monsieur Rice lui en voulait respectueusement. Par une
formule très simple il démolissait
tous les rêves de Christophe. Plus la vitesse croît, plus la masse augment, et
il faut donc toujours plus d’énergie pour la propulser. Et plus on approche
de cette détestable limite, plus le phénomène prend de l’importance
jusqu’à l’infini. Pour
beaucoup, elle était infranchissable, mais pas pour lui, il pensait qu’il
suffisait d’y mettre le prix, c’est à dire l’énergie. On
aurait dit que Dieu avait créé ici un péage, destiné à décourager les
terriens, Dieu, qui ne voulait pas qu’ils quittent le cadre qu’il avait créé
pour eux. Christophe
aimait cette thèse, car elle lui offrait un ennemi à combattre, à vaincre. Oh !
Il n’était pas croyant, bien sûr, surtout depuis qu’il avait comprit que
la loi s’appliquait également aux chrétiens. Dieu serait déçu, son stratagème
échouerait. Rice
ne reculait devant rien pour réussir. A force de volonté, de travail et de
sacrifices (en partie celui des autres) il gagna une grande fortune et devint à
trente ans l’un des hommes les plus riches du monde. Tout
allait bien, l’homme avait trouvé le moyen d’utiliser la fusion de
l’atome et de créer un champ de gravité local. La première invention libérait
encore plus d’énergie que la fission pour la propulsion des astronefs,
permettant d’atteindre des accélérations fantastiques, et la seconde
permettait de les supporter. Sinon il aurait fallut se limiter à une accélération
de 1 g, 9.8 m/s2 ce qui voulait dire un an pour atteindre la vitesse
de la lumière et seulement une distance de 100 années lumières parcourue en
vingt ans, retournement compris. Voilà
ce qu’il lui fallait pour forcer la barrière de dieu ! Malgré
cela, l’humanité renonçait aux étoiles. Elle se contenterait des planètes
du système solaire ou de satellites de métal. Bien sûr, elle finirait par les
rejoindre, mais trop tard pour lui. Les
gens croyaient les disciples d’Einstein, nul ne voulait passer des dizaines
d’années dans l’espace pour parcourir péniblement quelques dizaines
d’années lumière. C’était mathématique. Des essais, grâce aux accélérateurs
de particules, l’avaient prouvé
dès le vingtième siècle. Rice
n’était pas convaincu, il régnait tout de même dans l’espace d’autres
conditions que sur la terre. Il lui paraissait inconcevable que seule la masse
n’intervienne dans la relation énergie-vitesse, alors qu’il y avait tant
d’autres paramètres dans l’univers infini. Si
on persévérait un tant soi peu, il y aurait une compensation, il ne savait
quoi, peut-être une distorsion spatiale. Ces effets contrebalanceraient
l’inconvénient masse, il en était certain, et c’était sa seule chance de
visiter un jour les étoiles, or pour Christophe, cette espérance était sa
raison même de vivre. Mais
personne n’acceptait de prendre le risque. Il
avait tenté en vain de les convaincre, Il serait donc seul pour tenter
l’aventure. Monsieur
Rice avait mis ses usines en faillite pour construire son astronef. Il vendit
tout pour acheter les métaux atomiques, et chargea ensuite au maximum son
vaisseau de l’énergie révolutionnaire. Tout cela était le passé. Maintenant
en orbite d’attente, il s’accordait un instant de réflexion, regardant une
dernière fois la terre. A quarante ans, Il était financièrement fini. Il ne
possédait plus que cette fusée. D’ailleurs, s’il décidait un jour de la
vendre, il n’en tirerait pas grand chose, peut-être le prix de la ferraille.
Elle n’était pas appropriée pour le cabotinage inter planète, trop lourde,
trop coûteuse en énergie. Sauf
s’il prouvait que l’atome permettait de franchir le mur de la lumière. Il
ne pouvait plus reculer, et n’en avait aucune envie. Il
reviendrait victorieux, le plus riche et le plus célèbre de toute
l’histoire. Celui qui donna les étoiles à l’homme. Légèrement
méprisant, il manœuvra son vaisseau, le lançant à l’assaut de l’infini. Il
se sentit tout de même très ému. Depuis
longtemps, il ne croisait plus de transport et curieusement, il en était comme
soulagé. Il était fatigué des sarcasmes, amicaux peut-être, mais malgré
tout blessants, de ses ex camarades de la corporation des pilotes. Il
lui fallut qu’un mois à 10 g pour approcher la vitesse de la lumière. Il
surveillait avec inquiétude la dépense d’énergie pour maintenir cette accélération. L’énergie nécessaire augmentait un peu bien sûr. Plus il allait plus il rencontrait de matières devenant force de freinage. Mais cet effet était prévu et il avait de la marge. La matière était même recueillie pour devenir combustible par fusion. A tel point qu’il était devenu autosuffisant et qu’il remplissait à nouveau ses soutes. Il était à 10% de la vitesse lumière, 5% et toujours aucune trace de problème d’énergie. 3%, 2%, 1%, il passa la vitesse lumière toujours sans problème et il continuait d’accélérer. Au combien les savants s’étaient trompés ! Il poursuivit son accélération, la plus proche étoile était encore à plusieurs années lumière. Il lui semblait Miraculeux d’accélérer autant tout en ne ressentant pas plus de gravité que sur la Terre. Le soleil choisi, celui qui d’après les spécialistes avait le plus de chance d’avoir des planètes se trouvait à 1000 années lumière. A 20 g d’accélération, il lui fallut cinq ans d’accélération puis cinq ans de décélération pour l’atteindre. Au point de retournement il avait atteint la vitesse fabuleuse de 100 fois la vitesse de la lumière. Christophe
était heureux au-delà de tout, il vivait son rêve. Il contemplait son ou plutôt
ses étoiles, deux merveilleux soleils orbitants autour d’un même point. Le
premier, gigantesque diffusait une douce lumière bleue, donnant une impression
de calme, de sagesse, d’omniprésence par son volume. Son
compagnon plus petit, brûlait d’un feu plus intense, noyant tout l’espace
alentour d’un rouge vif, trop criard. Il était encore jeune, on le jugeait
turbulent, cherchant à surclasser son grand frère, malgré sa petitesse. Il était
aussi le plus proche de l’axe. C’était
une lutte féroce, comme si chacun d’eux cherchaient à éclipser l’autre,
pour envoyer son message bleu ou rouge à travers l’espace, au reste de
l’univers. Ce
combat déclenchait d’incessantes débauches de lumière, une interpénétration
des couleurs premières donnant les coloris les plus variés, les tons les plus
fantastiques. Et
autour de ce spectacle permanent, gravitaient une, trois, quatre cinq planètes,
suivant des orbites compliquées. Elles
étaient petites, la plus importante était trois fois moins grande que la
Terre, presque Mercure. Mais c’était des mondes morts, ils ne connaissaient
que le règne minéral. Rice
passa une année complète à étudier ce merveilleux système suivant les méthodes
scientifiques apprises à l’école des cadets. Il
atterrit sur ces globes sans atmosphère, manœuvre rendue aisée par la faible
gravité. Il put assister à de merveilleux couchés de soleil, qui ravirent
Christophe, l’enfant, les deux astres rendaient ces scènes beaucoup plus
magnifiques, et surtout variées que sur Terre. Christophe,
l’enfant, le conquérant se sentait fatigué et il avait la nostalgie du pays
natal. De toute façon, c’était Rice, l’adulte qui dominait
maintenant, personnage aigri, et lui aspirait à retrouver les hommes. Non
qu’il les aima, mais il avait trop souffert de leurs sarcasmes, il voulait sa
revanche. Il
comprit avec étonnement que les étoiles ne l’intéressaient plus, une fois
le fait accomplit. Et maintenant, il ne gardait en mémoire que les railleries
de ses frères de race, il était marqué, il était assoiffé de gloire. Son
nom serait éternellement respecté et honoré. Celui qui donna les étoiles à
l’homme. Il
prit alors le chemin du retour, qui prendrait à nouveau dix ans. Avant
le grand départ, il examina une dernière fois l’époustouflant système
solaire, mais ses yeux restaient mornes. Christophe, lui n’aurait pu s’empêcher
de l’admirer : ces deux soleils si différents, et qui pourtant
s’unissaient en un ballet tel que l’homme n’en avait jamais vu auparavant. Il
repéra une dernière fois les planètes, véritables miroirs ou plutôt des
toiles rondes sur lesquelles les maîtres astres peignaient des motifs compliqués
aux vis coloris. Que de chefs d’œuvres ainsi créés ! Vingt
ans après, il rentrait enfin dans sa patrie, là droit devant. Une impression
bizarre l’envahissait. Il ne croisait nul transport, ne percevait aucune émission
radio. Lorsqu’il se mit en orbite, il vit que la terre avait bien changé de
visage. Les mers et les terres avaient disparues. On ne voyait plus qu’une croûte
métallique rouillée sur tout le globe. Que s’était-il passé ? La
Terre n’avait pu changer ainsi en vingt ans. Où étaient les hommes ? Il
finit par repérer une émission radio venant d’un vieux satellite, c’était
une horloge atomique. Là il la crut déréglée, plus de deux mille ans s’étaient
écoulés. Pourtant il se rappela vaguement une histoire de ralentissement du
temps à laquelle il n’avait jamais rien compris. Maintenant il comprenait, le
temps ne s’était pas écoulé à la même vitesse pour lui et pour le reste
des hommes. Vingt ans pour lui et deux mille ans pour la Terre. Où
étaient passés les hommes ? Avaient-ils disparu ou étaient-ils partis
ailleurs ? L’homme Rice ne pouvait plus espérer de vengeance, il laissa
la place à Christophe l’enfant. Mais ce n’était plus d’étoile dont
Christophe rêvait, mais d’un souvenir. Une planète bleue, de la verdure, des
arbres, des oiseaux. Mais ce monde était inaccessible, car il n’existait
plus. Christophe continua de tourner autour de la Terre, perdu dans son rêve
oubliant de s’alimenter jusqu’à ce que l’inconscience et la mort ne lui
apporte l’oublie. FINDonnez
une note, votre avis sur cette nouvelle Note : Quand j’ai écrit cette histoire il y a plus de vingt ans, je faisais allègrement passer à mon héros la vitesse de la lumière façon barrière du son, inventant un différentiel temps se chiffrant en millions d’années, le faisant revenir dans le système solaire devant une géante rouge ayant absorbé la Terre. Mais
j’ai eut envie d’un peu plus de cohérence par rapport à la bonne vielle
contraction de Fizgerald Lorentz (qu’on me pardonne l’orthographe
approximative) Effectivement plus on s’approche de la vitesse de la lumière,
plus le temps s’écoule lentement pour les passagers. Ils auront donc
l’impression de parcourir plus de distance dans leur échelle de temps, alors
que pour un observateur externe, ils s’approcheront de plus en plus de la
vitesse de la lumière sans jamais l’atteindre.
Autre
problème la limitation de l’accélération pour qu’elle reste supportable
rendait le voyage trop long, la distance trop courte et donc un différentiel
temps insuffisant pour permettre une chute correcte de l’histoire. Rejetant
l’hibernation, procédé douteux scientifiquement mais rendant le voyage
supportable je me suis résolu à l’anti-gravité, notion classique en science
fiction mais sans aucune base. Dernier
problème, le différentiel temps restait insuffisant pour justifier la mort de
notre soleil, il en a encore pour quelques milliards d’années, à moins de
pousser l’accélération et de viser une étoile très loin, je me suis donc
contenté d’une planète morte. Je
ne suis pas trop content du résultat, mais j’ai quand même tenu à la
conserver. |
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