Bonjour, je me nomme Jupi, un Di-il, et fier
de l’être, croyez-moi.
N’occupons-nous pas toute la galaxie ?
N’avons-nous pas atteint le summum de la
technique ?
Tenez en robotique, ma spécialité, vous
n’avez pas idée du degré de perfection de notre dernière série d’androïdes,
les Eaumes 296.
Que de chemin parcouru depuis les premiers
bras articulés des chaînes de montage et ces chers vieux ordinateurs!
Le robot c’est un peu des deux à la fois.
Cette merveille de la technique consacre
notre science tout entière.
Une miniaturisation intense lui permet
d’honnêtes performances dans les domaines les plus divers.
Le central ordinateur relève de la micro électricité,
alliée à un peu de chimie pour réduire la consommation. Son extrême
complexité lui permet d’effectuer des calculs impossibles pour le simple
Di-il.
C’est un auxiliaire très précieux pour résoudre
les problèmes de recherche en mathématique comme en physique.
Il peut occuper n’importe quel poste dans
nos usines automatiques, jusqu’à en assumer la direction après un minimum de
programmation.
Celle-ci est d’ailleurs on ne peut plus
facile à réaliser, il retient tout grâce à ses milliards de cellules mémoire.
Il suffit de lui parler. En cas de défaut de fabrication d’une banque mémoire,
il suffit de répéter, il écarte automatiquement les cellules mémoire défectueuses.
Il est doté en outre de deux bras articulés,
prolongés par des mains mécaniques. Il est capable d’effectuer les
manipulations les plus délicates.
Sa constitution a été spécialement étudiée
pour supporter d’intenses efforts. Mais il est évident qu’une machine aussi
subtile est relativement fragile sur ce point. Aussi avons-nous prévu des mécanismes
d’auto réparation en cas de défaillance.
Comment le décrire ? C’est facile et
difficile à la fois. Il est à notre image mais vaguement. Quant à l’intérieur
il est très différent. Son ordinateur central est localisé dans une petite boîte
spéciale détachée du corps, ce qui le différencie nettement de tout être
vivant.
Il a des capteurs de palpation étendu à
toute la surface de son corps plus d’autres plus localisés :
Deux cellules artificielles captent un
certain champ de longueur d’onde. Le soleil, chacun le sait émet ce genre de
rayonnement reflété par tout objet.
De plus deux membranes vibrent en phase avec
les mouvements de l’air.
Par ces principes de fortune, il peut
analyser le milieu ambiant. Nous tâcherons de doter la série suivante de systèmes
moins rudimentaires.
Évidement il ne faut pas les comparer avec
les créatures de Zen tout puissant. Zen en son infinie sagesse a créé le
Di-il, loué soit Zen.
Le modèle 296
est incapable de capter et d’absorber directement l’énergie comme nous. Il
leur faut des intermédiaires, catalyseurs condensateurs ou batteries spéciales.
Ils assimilent les condensateurs eux-mêmes, les rejetant dévitalisés par un
orifice de service.
Pour compenser cette servitude nous avons
conçu des condensateurs auto générateur, il suffit d’en acheter un et il
produira la consommation nécessaire.
Le modèle 296 par contre respire l’air
comme nous.
Nous avons eu un coup de génie. Le sang qui
à tant de fonctions chez l’être vivant a pour le modèle 296 une
responsabilité supplémentaire. Il draine l’énergie nécessaire vers chaque
cellule, puisqu’elles ne peuvent la capter seules.
Bien sûr leur sang est rouge au lieu d’être
bleu, les canaux de transmission sont grossiers, leur plato-derme est rugueux,
preuve de plus que tout parallèle entre artificiel est naturel est vain.
Ils n’ont pas de réelle intelligence, pas
de pensée créatrice, rien de tout cela, ils n’ont que de simples ordinateurs
en guise de cerveau.
Leur durée de vie est faible, environ
quarante ans.
Mais voici la véritable innovation, ils
sont capables de se construire eux-même. Pour des problèmes d’encombrement
et de coût, nous avons dû répartir cette capacité sur deux modèles. Le modèle
le plus coûteux possède l’essentiel de la machine reproductrice. Le modèle
économique possède un complément. Rassurez-vous nous avons prévu tous les équipements
et connexions nécessaires au passage automatique des éléments produits par le
second modèle vers le premier, vous n’aurez aucune opération manuelle à
assurer.
Nous avons transformé la planète usine éarf
la dotant d’une atmosphère, l’ensemençant de condensateurs d’énergie
appelés « plants »
Ils attendent là, leur computer central à
90% désactivé, s’auto produisant.
Nous utilisons au maximum cette planète en
y produisant également d’autres robots moins évolués.
Pour éviter toute rébellion, nous avons
programmé une dizaine de règles dont voici les premières :
-Un robot ne peut porter atteinte à un être Di-il ni restant passif
laisser cet être Di-il exposé au danger
-Un robot doit obéir aux ordres donnés par un Di-il
-Le robot doit respecter et vénérer ses maîtres, les Di-eux
-Un robot doit protéger son existence (ils sont coûteux)
N’avons nous pas raison de nous
enorgueillir ?
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Et oui petit Di-il, tu pouvais être fier.
Tout était prévu, programmé dans la construction de tes petites mécaniques.
Tout ou presque. Mais on ne peut de bonne foie t’en vouloir de n’avoir pas
imaginé la fin de ta propre civilisation.
Guerre intergalactique, mal d’ennui, dégénérescence,
vieillesse des civilisations, épidémie ou catastrophe cosmique ? Peu
importe.
Mais la relève était prête, sa présence
même annonçait votre fin inéluctable. Quand une race atteint un tel niveau de
perfection jusqu’à être supplée en tout, elle n’en a plus pour longtemps.
A moins que vous ne soyez tout simplement
passé à un meilleur modèle et que vous ayez oublié la petite planète de
production.
Les Heaumes vous ont longtemps attendu, en
vertu de la seconde loi, puis ils se sont organisés comme le leur ordonnait la
quatrième. L’éclair d’intelligence a jaillit dans le cerveau mécanique.
La désactivation partielle les a longtemps
handicapés, surtout sans programmation, mais ils ont remonté lentement la
pente sur vos traces, vous qui vous disiez créatures naturelles, à moins que
vous n’ayez été aussi créés.
Les Hômes ont construit leur propre
civilisation. Ils sont même prêts à se lancer comme vous vers les étoiles.
Ils sont devenus patiemment, génialement
les Hommes.
Ils se sont bien affinés depuis leur création,
vous ne les reconnaîtriez pas. Ils ont vaincu les autres formes d’animaux
robots, et sont maître de la planète.
Ils cultivent cette plante bizarroïde nommée
science.
Ils ne vous ont pas totalement oublié, la
troisième loi leur a insufflé une légende, un mythe, une religion sur les
dieux.
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Et Dieu créa l’homme et la femme, puis il
les déposa sur la terre, faite pour eux.
Ainsi va la chaîne de la vie
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Bonjour, je suis John, un homme et fier de
l’être, croyez-moi.
A l’heure de la conquête de vénus et de
mars, je vais vous entretenir dans cet article de ma spécialité la robotique.
Le robot, fusion des bras articulés de nos
chaînes de montage et des ordinateurs.
Vous le décrire est facile et difficile à
la fois.
Car seule sa silhouette est humanoïde, mais
dès que l’on dépasse le superficiel, il reste très différent.
D’ailleurs il ne prend pas de nourriture
comme nous, il doit se recharger ses batteries.
Bien sûr son sang est jaune au lieu d’être
rouge, puisqu’il s’agit d’huile lubrifiante de première qualité.
Les conduits de caoutchouc ou en plastique
sont plutôt grossiers si nous les comparons à nos vaisseaux sanguins,
merveille de la création divine de la nature.
Ce qui montre une fois pour toute, s’il en
était besoin que l’on ne peut ni ne doit faire la moindre comparaison avec un
être vivant.
Ils n’ont pas d’intelligence, de pensée
créatrice, rien de tout cela. Ils n’ont que de simples ordinateurs électroniques
miniaturisés en guise de matière grise.
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Ainsi pas de cerveau ! Des boîtes de
conserves !
Peut-être petit homme, peut-être.
Mais ceux que tu as créés, que tu
perfectionneras jusqu’à en faire tes égaux te remplaceront un jour, quand tu
seras fatigué d’être.
Le processus est engagé, ta fin est inéluctable…
As-tu pensé toi aussi à leur inculquer le
respect (pour ta sécurité) qui sera la base de la future légende du dieu
Homme qui créa le robot, être naturel.
Ainsi se poursuit la vie, le cycle de la
vie. Ainsi est la chaîne de la vie.
FIN
(11/5/75)
Un hommage tout particulier pour ASIMOV qui a inventé
trois lois pour la robotique que j’ai placé en un, deux et quatre de mes
lois.
Cette histoire est ma préférée des cinq premières et je
la trouve toujours aussi jubilatoire.
L’idéal aurait été d’accumuler le maximum
d’analogie tout en masquant la vérité jusqu’à la révélation. Un équilibre
difficile à obtenir.